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LA TERRE.

eut un silence, la mort envahissait la pièce humide, au sol de terre battue, aux murs lépreux, à la grande cheminée noire.

Jean attendait toujours, gêné, tandis que les deux filles et les trois femmes, les mains ballantes, considéraient le vieux.

— J’irai bien encore chercher le médecin, hasarda le jeune homme.

La Bécu hocha la tête, aucune des autres ne répondit : si ça ne devait rien être, pourquoi dépenser l’argent d’une visite ? et si c’était la fin, est-ce que le médecin y ferait quelque chose ?

— Ce qui est bon, c’est le vulnéraire, dit la Frimat.

— Moi, murmura Fanny, j’ai de l’eau-de-vie camphrée.

— C’est bon aussi, déclara la Bécu.

Lise et Françoise, hébétées maintenant, écoutaient, ne se décidaient à rien, l’une berçant Jules, son petit, l’autre les mains embarrassées d’une tasse pleine d’eau, que le père n’avait pas voulu boire. Et Fanny, voyant ça, bouscula Nénesse, absorbé devant la grimace du mourant.

— Tu vas courir chez nous et tu diras qu’on te donne la petite bouteille d’eau-de-vie camphrée, qui est à gauche, dans l’armoire… Tu entends ? dans l’armoire à gauche… Et passe chez grand-père Fouan, passe chez ta tante, la Grande, dis-leur que l’oncle Mouche est très mal… Cours, cours vite !

Quand le gamin eut disparu d’un bond, les femmes continuèrent de disserter sur le cas. La Bécu connaissait un monsieur qu’on avait sauvé, en lui chatouillant la plante des pieds pendant trois heures. La Frimat, s’étant souvenue qu’il lui restait du tilleul, sur les deux sous achetés l’autre hiver pour son homme, alla le chercher ; et elle revenait avec le petit sac, Lise allumait du feu, après avoir passé son enfant à Françoise, lorsque Nénesse reparut.

— Grand-père Fouan était couché… La Grande a dit comme ça que, si l’oncle Mouche n’avait pas tant bu, il n’aurait pas si mal au cœur…