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LES ROUGON-MACQUART

seoir, reprendre son monologue caressant ; mais l’attitude lasse de Renée lui fit remettre son attaque à plus tard. Elle tira de sa poche une poignée de paperasses, où elle chercha et finit par trouver un objet renfermé dans une sorte de boîte rose.

— J’étais venue pour vous recommander un nouveau savon, dit-elle en reprenant sa voix de courtière. Je m’intéresse beaucoup à l’inventeur, qui est un charmant jeune homme. C’est un savon très doux, très bon pour la peau. Vous l’essaierez, n’est-ce pas ? et vous en parlerez à vos amies… Je le laisse là, sur votre cheminée.

Elle était à la porte, lorsqu’elle revint encore, et, droite dans la lueur rose du brasier, avec sa face de cire, elle se mit à faire l’éloge d’une ceinture élastique, une invention destinée à remplacer les corsets.

— Ça vous donne une taille absolument ronde, une vraie taille de guêpe, disait-elle… J’ai sauvé ça d’une faillite. Quand vous viendrez, vous essaierez les spécimens, si vous voulez… J’ai dû courir les avoués pendant une semaine. Le dossier est dans ma poche, et je vais de ce pas chez mon huissier pour lever une dernière opposition… À bientôt, ma mignonne. Vous savez que je vous attends et que je veux sécher vos beaux yeux.

Elle glissa, elle disparut. Renée ne l’entendit même pas fermer la porte. Elle resta là, devant le feu qui mourait, continuant le rêve de la journée, la tête pleine de chiffres dansants, entendant au loin les voix de Saccard et de madame Sidonie dialoguer, lui offrir des sommes considérables, du ton dont un commissaire-priseur met un mobilier aux enchères. Elle sentait sur