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LES ROUGON-MACQUART

jetât l’argent par les fenêtres ; ces cinquante mille francs, qui allaient disparaître en dentelles et en bijoux, devaient lui rapporter, à lui, le cent pour cent. Il poussa l’honnêteté, tant il était satisfait de sa première affaire, jusqu’à placer réellement les cent mille francs de Renée et à lui remettre les titres de rente. Sa femme ne pouvait les aliéner, il était certain de les retrouver au nid, s’il en avait jamais besoin.

— Ma chère, ce sera pour vos chiffons, dit-il galamment.

Quand il posséda la maison, il eut l’habileté, en un mois, de la faire revendre deux fois à des prête-noms, en grossissant chaque fois le prix d’achat. Le dernier acquéreur ne la paya pas moins de trois cent mille francs. Pendant ce temps, Larsonneau, qui seul paraissait à titre de représentant des propriétaires successifs, travaillait les locataires. Il refusait impitoyablement de renouveler les baux, à moins qu’on ne consentît à des augmentations formidables de loyer. Les locataires, qui avaient vent de l’expropriation prochaine, étaient au désespoir ; ils finissaient par accepter l’augmentation, surtout lorsque Larsonneau ajoutait, d’un air conciliant, que cette augmentation serait fictive pendant les cinq premières années. Quant aux locataires qui firent les méchants, ils furent remplacés par des créatures auxquelles on donna le logement pour rien et qui signèrent tout ce qu’on voulut ; là, il y eut double bénéfice : le loyer fut augmenté, et l’indemnité réservée au locataire pour son bail dut revenir à Saccard. Madame Sidonie voulut aider son frère, en établissant dans une des boutiques du rez-de-chaussée un dépôt de pianos. Ce fut à cette occasion que Saccard et Larsonneau, pris de fièvre, allèrent un peu