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AU BONHEUR DES DAMES.

qui opérait peu à peu sur lui. Il allait répondre d’une façon évasive, lorsqu’un appel pressant de ces dames lui évita cette peine. Des voix répétaient, au milieu de légers rires :

— Monsieur Mouret ! monsieur Mouret !

Et, comme celui-ci, contrarié d’être interrompu, feignait de ne pas entendre, madame de Boves, debout depuis un moment, vint jusqu’à la porte du petit salon.

— On vous réclame, monsieur Mouret… Ce n’est guère galant de vous enterrer dans les coins pour causer d’affaires.

Alors, il se décida, et avec une bonne grâce apparente, un air de ravissement, dont le baron fut émerveillé. Tous deux se levèrent, passèrent dans le grand salon.

— Mais je suis à votre disposition, mesdames, dit-il en entrant, le sourire aux lèvres.

Un brouhaha de triomphe l’accueillit. Il dut s’avancer davantage, ces dames lui firent place au milieu d’elles. Le soleil venait de se coucher derrière les arbres du jardin, le jour tombait, une ombre fine noyait peu à peu la vaste pièce. C’était l’heure attendrie du crépuscule, cette minute de discrète volupté, dans les appartements parisiens, entre la clarté de la rue qui se meurt et les lampes qu’on allume encore à l’office. M. de Boves et Vallagnosc, toujours debout devant une fenêtre, jetaient sur le tapis une nappe d’ombre ; tandis que, immobile dans le dernier coup de lumière qui venait de l’autre fenêtre, M. Marty, entré discrètement depuis quelques minutes, mettait son profil pauvre, une redingote étriquée et propre, un visage blêmi par le professorat, et que la conversation de ces dames sur la toilette achevait de bouleverser.

— Est-ce toujours pour lundi prochain, cette mise en vente ? demandait justement madame Marty.

— Mais, sans doute, madame, répondit Mouret d’une