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LES ROUGON-MACQUART.

— Mais si, répondit la jeune fille.

Marguerite écoutait. Depuis qu’on avait fixé son mariage, elle promenait sa face de lait tourné, avec des mines plus dégoûtées encore. Elle s’approcha, en disant :

— Vous avez bien raison. L’estime de soi avant tout, n’est-ce pas ?… Je vous adresse mes adieux, ma chère.

Des clientes arrivaient. Madame Aurélie la pria durement de veiller à la vente. Puis, comme Denise prenait le paletot, pour faire elle-même le « rendu », elle se récria et appela une auxiliaire. Justement, c’était une innovation soufflée par la jeune fille à Mouret, des femmes de service chargées de porter les articles, ce qui soulageait la fatigue des vendeuses.

— Accompagnez mademoiselle, dit la première, en lui remettant le paletot.

Et, revenant à Denise :

— Je vous en prie, réfléchissez… Nous sommes tous désolés de votre départ.

Jean et Pépé, qui attendaient, souriants au milieu de ce flot débordé de femmes, se remirent à suivre leur sœur. Maintenant, il s’agissait d’aller aux trousseaux, pour reprendre six chemises, pareilles à la demi-douzaine, que Thérèse avait achetée le samedi. Mais, dans les comptoirs de lingerie, où l’exposition de blanc neigeait de toutes les cases, on étouffait, il devenait très difficile d’avancer.

D’abord, aux corsets, une petite émeute attroupait la foule. Madame Boutarel, tombée cette fois du Midi avec son mari et sa fille, sillonnait les galeries depuis le matin, en quête d’un trousseau pour cette dernière, qu’elle mariait. Le père était consulté, cela n’en finissait plus. Enfin, la famille venait d’échouer aux comptoirs de lingerie ; et, pendant que la demoiselle s’absorbait dans une étude approfondie des pantalons, la mère avait disparu, ayant elle-même le caprice d’un corset. Lors-