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LES ROUGON-MACQUART.

fait, porté par une jeune personne aux airs de princesse.

— Mon Dieu ! ça ne vaut pas davantage, murmura madame Guibal. De vraies loques, dès qu’on a ça dans la main !

Maintenant, elles étaient intimes, depuis que M. de Boves restait dans un fauteuil, cloué par des accès de goutte. La femme supportait la maîtresse, préférant encore que la chose eût lieu chez elle, car elle y gagnait un peu d’argent de poche, des sommes que le mari se laissait voler, ayant lui-même besoin de tolérance.

— Eh bien ! entrons, reprit madame Guibal. Il faut voir leur exposition… Est-ce que votre gendre ne vous a pas donné rendez-vous là dedans ?

Madame de Boves ne répondit pas, les regards perdus, l’air absorbé par la queue des voitures, qui, une à une, s’ouvraient et lâchaient toujours des clientes.

— Si, dit enfin Blanche de sa voix molle. Paul doit nous prendre vers quatre heures dans la salle de lecture, après sa sortie du ministère.

Ils étaient mariés depuis un mois, et Vallagnosc, à la suite d’un congé de trois semaines, passé dans le Midi, venait de rentrer à son poste. La jeune femme avait déjà la carrure de sa mère, la chair soufflée et comme épaissie par le mariage.

— Mais c’est madame Desforges, là-bas ! s’écria la comtesse, les yeux sur un coupé qui s’arrêtait.

— Oh ! croyez-vous ? murmura madame Guibal. Après toutes ces histoires… Elle doit encore pleurer l’incendie des Quatre Saisons.

C’était bien Henriette pourtant. Elle aperçut ces dames, elle s’avança d’un air gai, cachant sa défaite sous l’aisance mondaine de ses manières.

— Mon Dieu ! oui, j’ai voulu me rendre compte. Il vaut mieux savoir par soi-même, n’est-ce pas ?… Oh ! nous