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AU BONHEUR DES DAMES.

Lentement, madame Robineau tomba assise sur le parquet, dans l’horreur de ces aveux. Mon Dieu ! il avait voulu mourir. Elle saisit la main de Denise, qui s’était penchée vers elle, toute retournée par cette scène. Le blessé, que son émotion épuisait, venait encore de perdre connaissance. Et ce médecin qui n’arrivait pas ! Deux hommes avaient déjà battu le quartier, le concierge de la maison s’était mis en campagne à son tour.

— Ne vous inquiétez pas, répétait Denise machinalement, sanglotant elle aussi.

Alors, madame Robineau, assise par terre, la tête à la hauteur du brancard, la joue contre la sangle où gisait son mari, soulagea son cœur.

— Oh ! si je vous racontais… C’est pour moi qu’il a voulu mourir. Il me disait sans cesse : Je t’ai volée, l’argent venait de toi. Et, la nuit, il rêvait de ces soixante mille francs, il se réveillait en sueur, se traitait d’incapable. Quand on n’avait pas plus de tête, on ne risquait pas la fortune des autres… Vous savez qu’il a toujours été nerveux, l’esprit tourmenté. Il finissait par voir des choses qui me faisaient peur, il m’apercevait dans la rue, en guenilles, mendiant, moi qu’il aimait si fort, qu’il désirait riche, heureuse…

Mais, en tournant la tête, elle le retrouva les yeux ouverts ; et elle continua, de sa voix bégayante :

— Oh ! mon chéri, pourquoi as-tu fait cela ?… Tu me crois donc bien vilaine ? Va, ça m’est égal, que nous soyons ruinés. Pourvu qu’on soit ensemble, on n’est pas malheureux… Laisse-les donc tout prendre. Allons-nous-en quelque part, où tu n’entendras plus parler d’eux. Tu travailleras quand même, tu verras comme ce sera bon encore.

Son front était tombé près du visage pâle de son mari, tous deux se taisaient maintenant, dans l’attendrissement de leur angoisse. Il y eut un silence, la boutique