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LES ROUGON-MACQUART.

— Monsieur, je ne la connais pas autrement… C’est elle qui est venue…

— Ne mentez donc pas ! interrompit Mouret avec un redoublement de violence. Et personne ici qui nous avertisse ! Vous vous entendez tous, ma parole ! Nous sommes dans une véritable forêt de Bondy, volés, pillés, saccagés ! C’est à n’en plus laisser sortir un seul, sans fouiller ses poches !

Des murmures se firent entendre. Les trois ou quatre clientes qui achetaient des gants, restaient effarées.

— Silence ! reprit-il furieusement, ou je balaie la maison !

Mais Bourdoncle était accouru, inquiet à l’idée du scandale. Il murmura quelques mots à l’oreille de Mouret, l’affaire prenait une gravité exceptionnelle ; et il le décida à conduire Mignot dans le bureau des inspecteurs, une pièce située au rez-de-chaussée, près de la porte Gaillon. La femme se trouvait là, en train de remettre tranquillement son corset. Elle venait de nommer Albert Lhomme. Mignot, questionné de nouveau, perdit la tête, sanglota : lui, n’était pas coupable, c’était Albert qui lui envoyait ses maîtresses ; d’abord, il les avantageait simplement, les faisait profiter des occasions ; puis, quand elles finissaient par voler, il était trop compromis déjà pour avertir ces messieurs. Et ceux-ci apprirent alors toute une série de vols extraordinaires : des marchandises enlevées par des filles, qui allaient les attacher sous leurs jupons, dans les cabinets luxueux, installés près du buffet, au milieu des plantes vertes ; des achats qu’un vendeur négligeait d’appeler à une caisse, lorsqu’il y conduisait une cliente, et dont il partageait le prix avec le caissier ; jusqu’à de faux « rendus », des articles qu’on annonçait comme rentrés dans la maison, pour empocher l’argent remboursé fictivement ; sans compter le vol classique, des paquets sortis le soir sous la redingote, roulés autour de