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AU BONHEUR DES DAMES.

suite, eh bien ! ensuite, nous trouverons un truc pour le faire passer davantage.

— Alors, vous finirez par boire l’argent de Paris, comme on boit un verre d’eau ?

— Sans doute. Est-ce que Paris n’est pas aux femmes, et les femmes ne sont-elles pas à nous ?

Le baron lui posa les deux mains sur les épaules, le regarda d’un air paternel.

— Tenez ! vous êtes un gentil garçon, je vous aime… On ne peut pas vous résister. Nous allons piocher l’idée sérieusement, et j’espère leur faire entendre raison. Jusqu’à présent, nous n’avons qu’à nous louer de vous. Les dividendes stupéfient la Bourse… Vous devez être dans le vrai, il vaut mieux mettre encore de l’argent dans votre machine, que de risquer cette concurrence au Grand-Hôtel, qui est hasardeuse.

L’excitation de Mouret tomba, il remercia le baron, mais sans y mettre son élan d’enthousiasme habituel ; et celui-ci le vit tourner les yeux vers la porte de la chambre voisine, repris de la sourde inquiétude qu’il cachait. Cependant, Vallagnosc s’était approché, en comprenant qu’ils ne causaient plus d’affaires. Il se tint debout près d’eux, il écouta le baron qui murmurait de son air galant d’ancien viveur :

— Dites, je crois qu’elles se vengent ?

— Qui donc ? demanda Mouret, embarrassé.

— Mais les femmes… Elles se lassent d’être à vous, et vous êtes à elles, mon cher : juste retour !

Il plaisanta, il était au courant des amours bruyantes du jeune homme. L’hôtel acheté à la rouleuse de coulisses, les sommes énormes mangées avec des filles ramassées dans les cabinets particuliers, l’égayaient comme une excuse aux folies qu’il avait faites lui-même autrefois. Sa vieille expérience se réjouissait.

— Vraiment, je ne comprends pas, répétait Mouret.