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LES ROUGON-MACQUART.

Elle l’examinait aussi, le trouvait nerveux et las, les paupières battues, le teint plombé.

— Eh bien ! reprit-elle d’un ton qu’elle tâcha de rendre plaisant, je ne vous rendrai pas votre flatterie, vous n’avez guère bonne mine, ce soir.

— Le travail ! dit Vallagnosc.

Mouret eut un geste vague, sans répondre. Il venait d’apercevoir Bouthemont, il lui adressait un signe amical de la tête. Au temps de leur grande intimité, il l’enlevait lui-même au rayon, et l’amenait chez Henriette, pendant le gros travail de l’après-midi. Mais les temps étaient changés, il lui dit à demi-voix :

— Vous avez filé de bien bonne heure… Vous savez qu’ils se sont aperçus de votre sortie et qu’ils sont furieux, là-bas.

Il parlait de Bourdoncle et des autres intéressés, comme s’il n’avait pas été le maître.

— Ah ! murmura Bouthemont, inquiet.

— Oui, j’ai à causer avec vous… Attendez-moi, nous nous en irons ensemble.

Cependant, Henriette s’était assise de nouveau ; et, tout en écoutant Vallagnosc, qui lui annonçait la visite probable de madame de Boves, elle ne quittait pas Mouret des yeux. Celui-ci, redevenu muet, regardait les meubles, semblait chercher au plafond. Puis, comme elle se plaignait en riant de n’avoir plus que des hommes à son thé de quatre heures, il s’oublia jusqu’à lâcher cette phrase :

— Je croyais trouver le baron Hartmann.

Henriette avait pâli. Sans doute elle savait qu’il venait chez elle uniquement pour s’y rencontrer avec le baron ; mais il aurait pu ne pas lui jeter ainsi son indifférence à la face. Justement, la porte s’était ouverte, et le domestique se tenait debout derrière elle. Quand elle l’eut interrogé d’un mouvement de tête, il se pencha, il lui dit très bas :