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AU BONHEUR DES DAMES.

près de sept cents litres coulaient sur le comptoir de la buvette.

— Ah ! enfin ! murmura Favier, lorsque le cuisinier de service reparut avec une bassine, où il piqua une cuisse pour la lui donner.

— Poulet, dit Mignot derrière lui.

Et tous deux, tenant leurs assiettes, entrèrent dans le réfectoire, après avoir pris leur part de vin à la buvette ; pendant que, derrière leur dos, le mot « poulet » tombait sans relâche, régulièrement, et qu’on entendait la fourchette du cuisinier piquer les morceaux, avec un petit bruit rapide et cadencé.

Maintenant, le réfectoire des commis était une immense salle où les cinq cents couverts de chacune des trois séries tenaient à l’aise. Ces couverts se trouvaient alignés sur de longues tables d’acajou, placées parallèlement, dans le sens de la largeur ; aux deux bouts de la salle, des tables pareilles étaient réservées aux inspecteurs et aux chefs de rayon ; et il y avait, dans le milieu, un comptoir pour les suppléments. De grandes fenêtres, à droite et à gauche, éclairaient d’une clarté blanche cette galerie, dont le plafond, malgré ses quatre mètres de hauteur, semblait bas, écrasé par le développement démesuré des autres dimensions. Sur les murs, peints à l’huile d’une teinte jaune clair, les casiers aux serviettes étaient les seuls ornements. À la suite de ce premier réfectoire, venait celui des garçons de magasin et des cochers, où les repas étaient servis sans régularité, au fur et à mesure des besoins du service.

— Comment ! vous aussi, Mignot, vous avez une cuisse ? dit Favier, lorsqu’il se fut assis à une des tables, en face de son compagnon.

D’autres commis s’installaient autour d’eux. Il n’y avait pas de nappe, les assiettes rendaient un bruit fêlé sur l’acajou ; et tous s’exclamaient, dans ce coin,