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AU BONHEUR DES DAMES.

Favier faisait partie. Il descendit de l’escabeau, un autre vendeur prit sa place ; et il lui fallut enjamber la houle des pièces d’étoffe, qui avait encore monté sur les parquets. Maintenant, dans tous les rayons, des écroulements pareils encombraient le sol ; les casiers, les cartons, les armoires se vidaient peu à peu, tandis que les marchandises débordaient de toutes parts, sous les pieds, entre les tables, dans une crue continuelle. Au blanc, on entendait les chutes lourdes des piles de calicot ; à la mercerie, c’était un léger cliquetis de boîtes ; et des roulements lointains venaient du comptoir des meubles. Toutes les voix donnaient ensemble, des voix aiguës, des voix grasses, les chiffres sifflaient dans l’air, une clameur grésillante battait l’immense nef, la clameur des forêts, en janvier, lorsque le vent souffle dans les branches.

Favier se dégagea enfin et prit l’escalier des réfectoires. Depuis les agrandissements du Bonheur des Dames, ces derniers se trouvaient au quatrième étage, dans les bâtiments neufs. Comme il se hâtait, il rattrapa Deloche et Liénard, montés avant lui ; alors, il se rabattit sur Mignot, qui le suivait.

— Diable ! dit-il dans le corridor de la cuisine, devant le tableau noir où le menu était inscrit, on voit bien que c’est l’inventaire. Fête complète ! Poulet ou émincé de gigot, et artichauts à l’huile !… Leur gigot va remporter une jolie veste !

Mignot ricanait, en murmurant :

— Il y a donc une maladie sur la volaille ?

Cependant, Deloche et Liénard avaient pris leurs portions, puis s’en étaient allés. Alors, Favier, penché au guichet, dit à voix haute :

— Poulet.

Mais il dut attendre, un des garçons qui découpaient venait de s’entailler le doigt, et cela jetait un trouble. Il restait la face à l’ouverture, regardant la cuisine, d’une