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LES ROUGON-MACQUART.

la rendait. Et madame Marty acheta le costume pour sa fille, en murmurant :

— Bonne idée ! Vous êtes pratique, vous, chère madame.

On avait dû abandonner la chaise. Elle était restée en détresse, au rayon des meubles, à côté de la table à ouvrage. Le poids devenait trop lourd, les pieds de derrière menaçaient de casser ; et il était convenu que tous les achats seraient centralisés à une caisse, pour être descendus ensuite au service du départ.

Alors, ces dames, toujours conduites par Denise, vagabondèrent. On les revit de nouveau dans tous les rayons. Il n’y avait plus qu’elles sur les marches des escaliers et le long des galeries. Des rencontres, à chaque instant, les arrêtaient. Ce fut ainsi que, près du salon de lecture, elles retrouvèrent madame Bourdelais et ses trois enfants. Les petits étaient chargés de paquets : Madeleine avait sous le bras une robe pour elle, Edmond portait une collection de petits souliers, tandis que le plus jeune, Lucien, était coiffé d’un képi neuf.

— Toi aussi ! dit en riant madame Desforges à son amie de pension.

— Ne m’en parle pas ! s’écria madame Bourdelais. Je suis furieuse… Ils vous prennent par ces petits êtres maintenant ! Tu sais si je fais des folies pour moi ! Mais comment veux-tu résister à des bébés qui ont envie de tout ? J’étais venue les promener, et voilà que je dévalise les magasins !

Justement, Mouret qui se trouvait encore là, en compagnie de Vallagnosc et de M. de Boves, l’écoutait d’un air souriant. Elle l’aperçut, elle se plaignit gaiement, avec un fond d’irritation réelle, de ces pièges tendus à la tendresse des mères ; l’idée qu’elle venait de céder aux fièvres de la réclame, la soulevait ; et lui, toujours souriant, s’inclinait, jouissait de ce triomphe. M. de Boves