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LES ROUGON-MACQUART.

— Montrez-moi autre chose, mademoiselle.

Denise dépliait les vêtements, les repliait, sans se permettre un geste d’humeur. Et c’était cette sérénité dans la patience qui exaspérait davantage madame Desforges. Ses regards, continuellement, retournaient à la glace, en face d’elle. Maintenant, elle s’y regardait près de Denise, elle établissait des comparaisons. Était-ce possible qu’on lui eût préféré cette créature insignifiante ? Elle se souvenait, cette créature était bien celle qu’elle avait vue, autrefois, faire à ses débuts une figure si sotte, maladroite comme une gardeuse d’oies qui débarque de son village. Sans doute, aujourd’hui, elle se tenait mieux, l’air pincé et correct dans sa robe de soie. Seulement, quelle pauvreté, quelle banalité !

— Je vais soumettre à madame d’autres modèles, disait tranquillement Denise.

Quand elle revint, la scène recommença. Puis, ce furent les draps qui étaient trop lourds et qui ne valaient rien. Madame Desforges se tournait, élevait la voix, tâchait d’attirer l’attention de madame Aurélie, dans l’espoir de faire gronder la jeune fille. Mais celle-ci, depuis sa rentrée, avait conquis peu à peu le rayon ; elle y était chez elle à présent, et la première lui reconnaissait même des qualités rares de vendeuse, la douceur obstinée, la conviction souriante. Aussi madame Aurélie haussa-t-elle légèrement les épaules, en se gardant d’intervenir.

— Si madame voulait bien m’indiquer le genre ? demandait de nouveau Denise, avec son insistance polie que rien ne décourageait.

— Mais puisque vous n’avez rien ! cria madame Desforges.

Elle s’interrompit, étonnée de sentir une main se poser sur son épaule. C’était madame Marty, que sa crise de dépense emportait au travers des magasins. Ses