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LES ROUGON-MACQUART.

monde de lui montrer des images, là-haut, dans le salon… Venez donc avec moi, vous avez le temps.

Alors, le lacet fut oublié, madame Marty céda tout de suite, tandis que madame de Boves refusait, préférant faire d’abord le tour du rez-de-chaussée. Du reste, ces dames espéraient bien se retrouver en haut. Madame Bourdelais cherchait un escalier, lorsqu’elle aperçut l’un des ascenseurs ; et elle y poussa les enfants, pour compléter la partie. Madame Marty et Valentine entrèrent aussi dans l’étroite cage, où l’on fut très serré ; mais les glaces, les banquettes de velours, la porte de cuivre ouvragé, les occupaient à ce point qu’elles arrivèrent au premier étage, sans avoir senti le glissement doux de la machine. Un autre régal les attendait d’ailleurs, dès la galerie des dentelles. Comme on passait devant le buffet, madame Bourdelais ne manqua pas de gorger la petite famille de sirop. C’était une salle carrée, avec un large comptoir de marbre ; aux deux bouts, des fontaines argentées laissaient couler un mince filet d’eau ; derrière, sur des tablettes, s’alignaient des bouteilles. Trois garçons, continuellement, essuyaient et emplissaient les verres. Pour contenir la clientèle altérée, on avait dû établir une queue, ainsi qu’aux portes des théâtres, à l’aide d’une barrière recouverte de velours. La foule s’y écrasait. Des personnes, perdant tout scrupule devant ces gourmandises gratuites, se rendaient malades.

— Eh bien ! où sont-elles donc ? s’écria madame Bourdelais, lorsqu’elle se dégagea de la cohue, après avoir essuyé les enfants avec son mouchoir.

Mais elle aperçut madame Marty et Valentine au fond d’une autre galerie, très loin. Toutes deux, noyées sous un déballage de jupons, achetaient encore. C’était fini, la mère et la fille disparurent dans la fièvre de dépense qui les emportait.

Quand elle arriva enfin au salon de lecture et de cor-