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LES ROUGON-MACQUART.

— Ce mariage avec Colomban, je crois qu’il vaudrait mieux en finir.

Il la regarda, puis il se remit à marcher. Des faits lui revenaient. Était-ce possible que sa fille tombât malade, à cause du commis ? Elle l’aimait donc au point de ne pouvoir attendre ? Encore un malheur de ce côté ! Cela le bouleversait, d’autant plus qu’il avait lui-même des idées arrêtées sur ce mariage. Jamais il n’aurait voulu le conclure dans les conditions présentes. Pourtant, l’inquiétude l’attendrissait.

— C’est bon, dit-il enfin, je parlerai à Colomban.

Et, sans ajouter une parole, il continua sa promenade. Bientôt les yeux de sa femme se fermèrent, elle dormait toute blanche, comme morte. Lui, marchait encore. Avant de se coucher, il écarta les rideaux, il jeta un coup d’œil : de l’autre côté de la rue, les fenêtres béantes de l’ancien Hôtel Duvillard ouvraient des trous sur le chantier, où les ouvriers s’agitaient, dans l’éblouissement des lampes électriques.

Dès le lendemain matin, Baudu emmena Colomban au fond d’un étroit magasin de l’entresol. La veille, il avait arrêté ce qu’il aurait à dire.

— Mon garçon, commença-t-il, tu sais que j’ai vendu ma propriété de Rambouillet. Cela va nous permettre de donner un coup de collier… Mais, avant tout, je voudrais causer un peu avec toi.

Le jeune homme, qui semblait redouter l’entretien, attendait d’un air gauche. Ses petits yeux clignotaient dans sa large face, et il restait la bouche ouverte, signe chez lui d’une perturbation profonde.

— Écoute-moi bien, reprit le drapier. Quand le père Hauchecorne m’a cédé le Vieil Elbeuf, la maison était prospère ; lui-même l’avait reçue autrefois du vieux Finet, en bon état… Tu connais mes idées : je croirais commettre une vilaine action, si je passais diminué à mes