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AU BONHEUR DES DAMES.

— Ma pauvre fille, répondit-elle, si je n’avais pas d’autres peines, tu me verrais plus gaie.

— Bonsoir, ma cousine, reprit Denise, en baisant la première Geneviève sur les joues.

Celle-ci s’éveillait comme en sursaut. Elle lui rendit ses baisers, sans trouver une parole. Les deux femmes prirent ensuite Pépé, qui tendait ses petits bras. Et la réconciliation fut complète.

— Eh bien ! il est six heures, mettons-nous à table, dit Baudu. Pourquoi n’as-tu pas amené Jean ?

— Mais il devait venir, murmura Denise embarrassée. Justement, je l’ai vu ce matin, il m’a formellement promis… Oh ! il ne faut pas l’attendre, son patron l’aura retenu.

Elle se doutait de quelque histoire extraordinaire, elle voulait l’excuser d’avance.

— Alors, mettons-nous à table, répéta l’oncle.

Puis, se tournant vers le fond obscur de la boutique :

— Colomban, vous pouvez dîner en même temps que nous. Personne ne viendra.

Denise n’avait pas aperçu le commis. La tante lui expliqua qu’ils avaient dû congédier l’autre vendeur et la demoiselle. Les affaires devenaient si mauvaises, que Colomban suffisait ; et encore passait-il des heures inoccupé, alourdi, glissant au sommeil, les yeux ouverts.

Dans la salle à manger, le gaz brûlait, bien qu’on fût aux longs jours de l’été. Denise eut un léger frisson en entrant, les épaules saisies par la fraîcheur qui tombait des murs. Elle retrouva la table ronde, le couvert mis sur une toile cirée, la fenêtre prenant l’air et la lumière au fond du boyau empesté de la petite cour. Et ces choses lui paraissaient, comme la boutique, s’être assombries encore et avoir des larmes.

— Père, dit Geneviève, gênée pour Denise, voulez-vous que je ferme la fenêtre ? Ça ne sent pas bon.