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LES ROUGON-MACQUART.

gue et la chaleur, prenait des transparences de camélia. Enfin, grâce à ses coudes vigoureux, Hutin ouvrit un chemin à ces dames, en marchant devant elles. Mais, quand elle eut monté l’escalier, Henriette ne trouva plus Mouret, qui venait de plonger Vallagnosc en pleine foule, pour achever de l’étourdir, et pris lui-même du besoin physique de ce bain du succès. Il perdait délicieusement haleine, c’était là contre ses membres comme un long embrassement de toute sa clientèle.

— À gauche, mesdames, dit Hutin, de sa voix prévenante, malgré son exaspération qui grandissait.

En haut, l’encombrement était le même. On envahissait jusqu’au rayon de l’ameublement, le plus calme d’ordinaire. Les châles, les fourrures, la lingerie grouillaient de monde. Comme ces dames traversaient le rayon des dentelles, une nouvelle rencontre se produisit. Madame de Boves était là, avec sa fille Blanche, toutes deux enfoncées dans des articles que Deloche leur montrait. Et Hutin dut faire encore une station, le paquet à la main.

— Bonjour !… Je pensais à vous.

— Moi, je vous ai cherchée. Mais comment voulez-vous qu’on se retrouve, au milieu de ce monde ?

— C’est magnifique, n’est-ce pas ?

— Éblouissant, ma chère. Nous ne tenons plus debout.

— Et vous achetez ?

— Oh ! non, nous regardons. Ça nous repose un peu, d’être assises.

En effet, madame de Boves, n’ayant guère dans son porte-monnaie que l’argent de sa voiture, faisait sortir des cartons, toutes sortes de dentelles, pour le plaisir de les voir et de les toucher. Elle avait senti chez Deloche le vendeur débutant, d’une gaucherie lente, qui n’ose résister aux caprices des dames ; et elle abusait de sa complaisance effarée, elle le tenait depuis une demi-heure, demandant toujours de nouveaux articles. Le comptoir