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demoiselle avec son austère et maternelle figure. À mesure qu’elle s’abandonnait et descendait de son honnêteté, Germinie ne sentait pas l’impudeur lui venir. Les dégradations où elle s’abîmait ne la fortifiaient point contre le dégoût et l’horreur d’elle-même. »

Enfin se joue le dernier acte du drame, le plus terrible et le plus écœurant de tous. Germinie ne peut vivre avec le souvenir de son amour enseveli ; la chair la tourmente et l’emporte. Elle prend un second amant, et les voluptés qui la secouent alors ont tous les déchirements de la douleur. Une seule chose reste dans les ruines de son être, son affection pour mademoiselle de Varandeuil. Elle quitte Gautruche, qui lui dit de choisir entre lui et sa vieille maîtresse, et dès lors elle appartient à tous. Elle va le soir, dans l’ombre des murs ; elle rôde les barrières, elle est toute impureté et scandale. Mais le hasard veut bien lui accorder une mort digne ; elle rencontre Jupillon, elle se purifie presque dans l’amour qui s’éveille de nouveau et lui monte du cœur ; elle le suit, et, une nuit, par un temps d’orage, elle reste au volet du jeune homme, écoutant sa voix, laissant l’eau du ciel la pénétrer et lui préparer sa mort.

Son énergie ne l’abandonne pas un instant. Elle lutte, elle essaie de mentir à la mort. Elle se refuse à la maladie, voulant mourir debout. Lorsque ses forces l’ont trahie et qu’elle expire à l’hôpital, son visage demeure impénétrable. Mademoiselle de Varandeuil, en face de son cadavre, ne peut deviner quelle pensée