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tes en arriveront à la démence. La gymnastique sera donc purement médicale. Voilà ce qu’il faut dire. Elle sera médicale, puisqu’une question de santé seule nous l’impose, que nous n’allons pas à elle par goût. Elle a été une nécessité sociale, presque une religion, pendant la période grecque et le moyen âge ; elle a été un amusement, une passion honteuse, sous l’empire romain ; elle doit être chez nous un simple remède, un préservatif contre la folie. Telle est la mission que lui laisse à remplir l’époque où nous vivons.

Je suis malheureusement certain que l’on est de son âge et que nous sommes en ce moment poussés bon gré mal gré vers un état de choses inconnu. Il est difficile d’arrêter une société dans sa marche ; je crois que, pendant des années encore, les gymnases resteront vides. J’ai dit que cette époque de transition me plaisait, que je goûtais une étrange joie à étudier nos fièvres. Parfois, cependant, il me prend des frayeurs à nous voir si frissonnants et si hagards, et c’est alors, comme aujourd’hui, après avoir lu le volume de M. Eugène Paz, que je voudrais avoir un trapèze pour me durcir les bras et me dégager le cerveau.

L’épigraphe est là, sur la muraille, toute flamboyante en face de moi : Mens sana in corpore sano.