Page:Emile Zola, Mes haines - Mon salon - Edouard Manet, Ed. Charpentier, 1893.djvu/46

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

que lui importe ! Il le dit lui-même, il ne s’entend en rien à la peinture, et raisonne tranquillement sur les idées. Il commente, il force le tableau à signifier quelque chose ; de la forme, pas un mot.

C’est ainsi qu’il arrive à la bouffonnerie. Le nouveau critique d’art, celui qui se vante de jeter les bases d’une science nouvelle, rend ses arrêts de la façon suivante : Le Retour de la Foire, de Courbet, est « la France rustique, avec son humeur indécise et son esprit positif, sa langue simple, ses passions douces, son style sans emphase, sa pensée plus près de terre que des nues, ses mœurs également éloignées de la démocratie et de la démagogie, sa préférence décidée pour les façons communes, éloignée de toute exaltation idéaliste, heureuse sous une autorité tempérée, dans ce juste milieu aux bonnes gens si cher, et qui, hélas ! constamment les trahit ». La Baigneuse est une satire de la bourgeoisie : « Oui, la voilà bien cette bourgeoisie charnue et cossue, déformée par la graisse et le luxe ; en qui la mollesse et la masse étouffent l’idéal, et prédestinée à mourir de poltronnerie, quand ce n’est pas de gras fondu ; la voilà telle que sa sottise, son égoïsme et sa cuisine nous la font. » Les Demoiselles de la Seine et les Casseurs de pierres servent à établir un bien merveilleux parallèle : « Ces deux femmes vivent dans le bien-être… ce sont de vraies artistes. Mais l’orgueil, l’adultère, le divorce et le suicide, remplaçant les amours, voltigent autour d’elles et les accompagnent ; elles les portent dans leur douaire : c’est pourquoi, à la fin, elles paraissent hor-