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ambassade, car le maître d’Ornans est un terrible tapageur qu’on craint d’offenser, et on lui aurait offert des titres et des honneurs s’il voulait bien renier ses disciples. On parle de la grande médaille ou même de la croix. Le lendemain, Courbet se rendait chez M. Brigot, son élève, et lui déclarait vertement qu’il « n’avait pas la philosophie de sa peinture ». La philosophie de la peinture de Courbet ! pauvre cher maître, le livre de Proudhon vous a donné une indigestion de démocratie. Par grâce, restez le premier peintre de l’époque, ne devenez ni moraliste ni socialiste.

D’ailleurs, qu’importent aujourd’hui mes sympathies ! Moi, public, je me plains d’être lésé dans ma liberté d’opinion ; moi, public, je suis irrité de ce qu’on ne me donne pas dans son entier le moment artistique ; moi, public, j’exige qu’on ne me cache rien, j’intente justement et légalement un procès aux artistes qui, avec parti pris, ont chassé du Salon tout un groupe de leurs confrères.

Toute assemblée, toute réunion d’hommes nommée dans le but de prendre des décisions quelconques, n’est pas une machine simple, ne tournant que dans un sens et n’obéissant qu’à un seul ressort. Il y a une étude délicate à faire pour expliquer chaque mouvement, chaque tour de roue. Le vulgaire ne voit qu’un simple résultat obtenu ; l’observateur aperçoit les tiraillements, les soubresauts qui secouent la machine.

Voulez-vous que nous remontions la machine et