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qu’il sait devoir lui plaire. Dans la grande querelle religieuse qui secoue notre époque, il est triste de voir se produire de pareils ouvrages qui gâteraient les meilleures causes ; ces ouvrages loin d’apporter des arguments nouveaux, loin d’aider à la vérité, remettent en question les procès gagnés. L’abbé*** est un Prud’homme religieux qui raconte, qui juge et discute avec une solennelle platitude.

Un nouveau roman vient de paraître, le Moine, faisant suite au Jésuite, à la Religieuse et au Maudit. C’est en feuilletant ce dernier volume que l’indignation l’a emporté et que je me suis promis de dire tout ce que j’avais sur le cœur. Je ne crois pas qu’il existe au monde une histoire plus écœurante. Le livre est le récit des hauts faits d’un moine, dom Claude, une sorte de don Quichotte fanatique qui relève l’abbaye de Charroux, comme le héros de la Manche abattait les ailes des moulins à vent. Ce vieillard est un fou tout simplement qui a la monomanie du cloître. Si ce moine existe réellement, c’est une plaisanterie que de discuter sérieusement avec lui, et une douche d’eau froide serait un excellent argument. Lorsque dom Claude veut régner dans son abbaye, juger et punir en maître, il est bientôt obligé de compter avec l’autorité civile, et l’abbé*** semble par là avouer lui-même que son personnage ne peut vivre à notre époque et qu’il est une figure inventée pour les seuls besoins du drame.

La création de dom Claude est innocente, ridicule tout au plus ; celle de dom Boissier, présenté d’abord