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lutte contre le goût et le bon sens. Après le scandale de son premier ouvrage, scandale obtenu à grand bruit de réclames, d’affiches et de prospectus, un immense silence s’est fait sur les œuvres et sur l’homme ; chaque nouveau volume a été accueilli avec froideur, presque avec répulsion ; une curiosité malsaine a pu faire acheter ces romans niais et lourds, mais les gens bien élevés se sont gardés de lire ces incroyables histoires, aussi sottes que mal contées. Je frappe donc, je le répète, un écrivain à terre, je frappe un écrivain que la presse entière a dédaigné ; je le frappe au nom de tous, non pour le terrasser, mais pour prendre acte de sa défaite.

Deux hypothèses se présentent : ou l’auteur est un prêtre avec ou sans collaborateur, ou l’auteur est un écrivain laïque. Dans l’un et l’autre cas, il y a chantage, spéculation, improbité littéraire.

Certes, il peut exister dans le clergé français un prêtre froissé par ses supérieurs, un homme dont la foi change, qui voit dans l’Église des plaies à panser, des injustices à réparer. Ce fait d’une âme religieuse qui demande une réforme, s’est produit dans tous les temps. Ce prêtre va se séparer de ses anciens frères, faire connaître ses désirs, signaler le mal, indiquer le remède ; il va prêcher sa nouvelle religion, ouvertement, visage découvert. L’abbé*** commence par se masquer ; il ne pratique plus, mais il a gardé la soutane ; il est abbé seulement sur les couvertures de ses livres ; il veut la mort du prêtre, et il est encore prêtre pour faire vendre ses œuvres. Ce n’est pas là