Page:Emile Zola, Mes haines - Mon salon - Edouard Manet, Ed. Charpentier, 1893.djvu/219

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

pétera forcément ; il peut multiplier à l’infini les applications de sa théorie, étudier chaque époque littéraire et artistique ; les expressions et les conclusions changeront, mais la charpente demeurera la même, les détails viendront se ranger et se classer dans le même ordre.

Tandis que toute la presse discutait le système de l’auteur, je m’extasiais devant ces quatre gros volumes, devant cette vaste machine si délicatement et si solidement construite ; j’admirais les marqueteries irrégulières et bizarres de ce style, l’ampleur de certaines parties et la sécheresse des attaches ; je jouissais de cette joie que tout homme du métier prend à considérer un travail précieux et étrange, d’une barbarie savante ; je goûtais un plaisir tout plastique, et je trouvais l’artiste qui me convenait, froid dans la méthode et passionné dans la mise en scène, tout personnel et tout libre.

Maintenant, il est facile d’imaginer quelles vont être les préférences de cet artiste, son esthétique et ses tendresses littéraires. S’il est trop savant et trop raffiné pour pêcher lui-même contre le goût, s’il a trop d’exactitude dans l’esprit pour se livrer à une débauche de pensée et de style, s’il est, en un mot, trop de notre époque pour s’abandonner à la brutalité saxonne ou à l’exubérance italienne, il va toutefois témoigner ses sympathies aux écrivains, aux peintres, aux sculpteurs, qui se sont laissés aller aux ardeurs de leur sang et de leurs nerfs. Il aimera la libre manifestation du génie humain, ses révoltes,