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Puis, quel héroïsme, quel patriotisme, quels souffles larges et puissants ! Madame Thérèse est tout à la fois la France et la liberté, la patrie et le courage. Cette jeune femme qui suit aux frontières son père et ses frères, qui tombe blessée dans un petit village des Vosges, et qui, sauvée par le docteur Jacob Wagner, l’épouse au dénoûment, c’est la jeune liberté qui défend le sol et s’unit au peuple. L’heure est solennelle dans notre histoire, lorsque les peuples menaçaient nos libres institutions acquises aux prix de tant de larmes. La défense alors était sacrée, la guerre devenait sainte. Erckmann-Chatrian est ici pour les combats ; il verse le sang avec un enthousiasme qui est presque un applaudissement. Tout me plaît dans Madame Thérèse, la jeunesse et l’ardeur, la bonhomie et l’élan, les tableaux d’intérieur qui font mieux valoir les scènes guerrières, même les personnages secondaires, ces éternels Alsaciens qui sont ici à leur véritable plan. Je le répète, ce livre est un chef-d’œuvre par l’admirable harmomie des parties, par le juste mélange des éléments qui le composent.

Dans l’Histoire d’un Conscrit de 1813 et dans Waterloo l’époque historique a changé ; l’Empire en est à ses derniers râles. Le premier de ces livres nous conte les batailles de Lutzen et de Leipsick, lorsque les nations, fatiguées de nos conquêtes, s’unirent et nous demandèrent compte du sang versé ; le second est le récit de l’écroulement du colosse, l’acte suprême de cette sanglante tragédie qui rejette Napoléon à l’exil et à la mort. Ici la partie descriptive et