Page:Emile Zola, Mes haines - Mon salon - Edouard Manet, Ed. Charpentier, 1893.djvu/200

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plante là tous les gros bonnets du pays et va donner un baiser au maître d’école, lui apportant sa richesse et son amour en récompense de ses longs regards rêveurs. Cette histoire est certainement la plus émue qu’ait écrite Erckmann-Chatrian ; pour moi, c’est là son chef-d’œuvre de sentiment. Il y a mis sa personnalité, cette personnalité que je me suis efforcé d’analyser, sa douceur, sa bonhomie et sa naïveté, son souci des détails, sa santé plantureuse et riante. Le jour où il a écrit les Amoureux de Catherine, il a donné le dernier mot de ce que j’appellerai sa première manière. Le cadre étroit, les justes proportions accordées à cette nouvelle, en font la perle de la collection, en ne lui laissant que l’importance nécessaire et en la faisant bénéficier de toute sa modestie.

J’aime peu l’Illustre docteur Mathéus. Cette histoire d’un savant qui s’en va par monts et par vaux, prêchant la Palingénésie, traînant sur ses talons le ménétrier Coucou Peter, est une fantaisie littéraire et philosophique, qui aurait pu donner lieu à une vingtaine de pages agréables ; délayée en un volume, elle rappelle trop Don Quichotte et semble vouloir prendre une importance qu’elle ne saurait avoir. Elle contient de jolis détails, mais elle pèche par cette monotonie que j’ai reprochée à Erckmann-Chatrian, elle prouve que l’écrivain reste un conteur, quelle que soit la longueur de ses ouvrages.

C’est surtout dans l’Ami Fritz que cette vérité est frappante. Une nouvelle est une nouvelle, qu’elle ai cinquante pages ou qu’elle en ait trois cents. L’Ami