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sots qui n’osent regarder en avant, regardent en arrière. Ils font le présent des règles du passé, et ils veulent que l’avenir, les œuvres et les hommes, prennent modèle sur les temps écoulés. Les jours naîtront à leur gré, et chacun d’eux amènera une nouvelle idée, un nouvel art, une nouvelle littérature. Autant de sociétés, autant d’œuvres diverses, et les sociétés se transformeront éternellement. Mais les impuissants ne veulent pas agrandir le cadre ; ils ont dressé la liste des œuvres déjà produites, et ont ainsi obtenu une vérité relative dont ils font une vérité absolue. Ne créez pas, imitez. Et voilà pourquoi je hais les gens bêtement graves et les gens bêtement gais, les artistes et les critiques qui veulent sottement faire de la vérité d’hier la vérité d’aujourd’hui. Ils ne comprennent pas que nous marchons et que les paysages changent.

Je les hais.




Et maintenant vous savez quelles sont mes amours, mes belles amours de jeunesse.


Paris, 1866.