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crayon fin et délicat, avec des lumières et des ombres nouvelles, de sorte que ces visages si connus ont, dans ses médaillons, un air de jeunesse et de fraîcheur qui pique la curiosité et fixe l’attention. On s’oublie à les regarder, on les prend pour des amis que l’on ne se connaissait pas ; puis la connaissance a lieu, et l’on reste charmé de la façon imprévue et neuve dont ils se sont présentés à vous.

M. Prévost-Paradol a fait suivre les six études que je viens d’examiner de quelques réflexions sur divers sujets. Je ne puis que citer les titres de ces chapitres, qui rappellent de loin certains chapitres des Essais : De la Chaire à propos de la Bruyère, De l’Ambition, De la Tristesse, De la Maladie et de la Mort. Là surtout l’écrivain donne sa note personnelle. Ce qui me paraît caractériser sa manière, c’est le talent qu’il possède de détailler avec art ses pensées ; il procède par longues phrases, un peu rondes et monotones, mais admirablement emmanchées les unes dans les autres. Les images sont rares et me paraissent ne pas faire assez corps avec le pur raisonnement. Mais les horizons sont toujours larges ; il y a, à chaque page, des échappées qui découvrent des coins de terre nouveaux. On éprouve une sorte de charme grave et austère à voyager en compagnie de cet esprit savant, qui fait pardonner les allures professorales de son langage par la hauteur de ses idées et la liberté de ses jugements.