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ne me paraît pas avoir encore été trouvé. Il y a des lacunes dans son histoire, des obscurités dans l’état véritable de son âme et de son cœur. Nous avons vaguement la vision des dehors, nous ne pouvons pénétrer jusqu’à l’esprit. Mais, si mystérieuse qu’elle soit, avec ses sphinx aux lèvres éternellement fermées, cette terre, faite des poussières d’une civilisation, est une leçon haute et grave pour nos sociétés modernes qui parlent bien haut de leur éternité. Elle leur dit par son silence : « Les peuples, comme l’individu, passent sur la terre, et le vent efface leurs traces ; je n’ai pas même laissé le souvenir de ma réalité, et tout ce que l’on sait de moi est une légende que racontent mes ruines. »

Comme le dit M. de Lanoye, il y a pour nous, peuples modernes, une pensée de sympathie dans le souvenir des anciennes sociétés. Nous jouissons de leurs travaux, nous profitons de leurs souffrances. Il y aurait mauvaise grâce à ne pas aller nous agenouiller sur le sol de la grande nécropole. Ramsès est l’aïeul de notre Charlemagne et de notre Napoléon.