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elle l’était en théorie. Elle a une âme, elle a une intelligence, elle est notre compagne, notre amie et notre soutien.

Je le sais, dans le rude sentier, le couple ne s’avance pas encore d’un pas ferme, et c’est justement pour cela que M. Pelletan a écrit son livre. L’épouse a rejoint l’époux, elle ne marche plus derrière lui en servante ; mais son allure est chancelante encore, et elle n’est pas tellement unie à son compagnon qu’elle puisse avoir abandon et confiance. La maladie est connue, il ne s’agit plus que de la guérir entièrement.

Le remède est simple, étant donnée la mission de la femme. Cette mission est, je le répète, d’être la collaboratrice de l’homme dans l’œuvre commune, la compagne fidèle, l’appui certain, l’égale conciliante et dévouée. Il faut donc, avant tout, libérer la femme, libérer son corps, libérer son cœur, libérer son intelligence.

Il faut l’instruire, la rendre notre sœur par la pensée. Là est la grande rédemption. Que la femme au foyer ne soit pas seulement une ménagère et une machine à reproduction, qu’elle soit une âme qui comprenne l’âme de l’époux, une pensée qui communie avec la pensée de l’homme choisi et aimé. La famille sera fondée dès que la mère et le père seront unis jusque dans leur intelligence. Alors, il y aura vraiment mariage, il y aura pénétration complète. Tout le mal vient de la sottise dans laquelle nous maintenons volontairement nos compagnes ; nous ne pouvons sympathiser avec elles, nous en faisons des êtres différents