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naît du luxe et des arts. Le monde romain s’écroule dans une effroyable débauche.

Le christianisme vient alors et se méfie de la femme ; il l’accueille comme adepte, il la renie comme épouse. Elle est, après tout, un instrument de perdition ; elle n’a pas d’âme, les saints doivent s’écarter d’elle et la maudire. Qu’elle prie, qu’elle s’humilie, qu’elle habite les églises ; tel est son rôle. Le mariage chrétien est une dernière concession faite à la nature ; l’état de pureté est le célibat. C’est alors que la femme chrétienne rencontre la femme barbare, la fille du Nord, que le mari achetait. Après avoir longtemps fermenté ensemble, selon l’expression de M. Eug. Pelletan, le christianisme et la barbarie engendrent la féodalité, et l’auteur ajoute : « La chevalerie fut simplement un système de bigamie patronné par le clergé et consacré par l’opinion. » La femme est reine, sans avoir plus de liberté ni plus de moralité. Le progrès est celui-ci : elle essaie son empire, elle se sent forte de beauté et de grâce, et elle pourra vaincre demain.

Le lendemain elle vainquit. Elle vainquit à l’hôtel de Rambouillet ; elle vainquit dans le boudoir de Ninon de Lenclos ; elle vainquit sur l’échafaud, en face de la statue de la Liberté. La marquise de Rambouillet, Ninon de Lenclos, madame Roland, telles sont les trois grandes victorieuses : la première donna une intelligence à la beauté de la femme ; la seconde se fit homme et prit acte de sa liberté ; la troisième se fit citoyen, et mourut pour le vrai et le juste. Depuis lors, la femme est devenue notre égale en fait, comme