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— Ah, monsieur, dit Silas, insensible à tout ce que Godfrey disait, je ne crains pas le besoin. Nous nous en tirerons très bien, Eppie et moi, nous nous en tirerons suffisamment bien. Il y a peu d’ouvriers qui aient fait autant d’économies que celles-là. Je ne sais pas ce que cet argent représente pour des bourgeois ; mais à mes yeux, c’est beaucoup, presque trop. Et quant à nous, il nous faut bien peu de chose.

— Seulement un jardin, papa, » dit Eppie, rougissant jusqu’aux oreilles le moment d’après.

« Un jardin vous ferait donc plaisir, ma chère ? » fit Nancy, pensant que ce changement de sujet pourrait venir en aide à son mari. « Nous nous entendrions sur ce point,… je consacre beaucoup de temps au nôtre.

— Ah ! on fait beaucoup de jardinage à la Maison Rouge, » dit Godfrey, étonné de la difficulté qu’il trouvait à aborder une proposition qui, de loin, lui avait paru si facile. « Vous vous êtes bien conduit envers Eppie, Marner, depuis seize ans. Ce serait un grand bonheur pour vous de la voir bien pourvue, n’est-ce pas ? Elle a l’air d’une belle jeune fille, en bonne santé, mais incapable de supporter aucune fatigue. Elle ne ressemble pas à une vigoureuse gaillarde, née de parents ouvriers. Il vous serait agréable de la voir l’objet des soins de ceux qui sont à même de la laisser dans l’aisance, et d’en faire une dame. Elle est plus propre à cela qu’à une existence pénible, comme celle qu’elle pourrait avoir dans quelques années. »