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il quitta son pays et ses amis pour venir s’établir à Raveloe. Rien ne pouvait être plus différent de sa ville natale, située en vue de versants de collines qui s’étendaient au loin, que cotte région basse et boisée, où il sentait les haies et les arbres au feuillage épais lui dérober jusqu’à la vue du ciel, Quand il se levait dans la tranquillité profonde du matin, et regardait au dehors les ronces couvertes de rosée et les touffes vigoureuses de gazon, il n’apercevait rien qui pût avoir quelque rapport avec cette vie concentrée dans la Cour de la Lanterne, — cette vie, autrefois le sanctuaire des hautes dispensations en sa faveur. Les murs blanchis ; les petits bancs, où des personnes qu’on avait l’habitude de voir entraient en réprimant le bruissement de leurs vêtements, et où une première voix bien connue, puis une autre, faisaient leur prière, chacune dans un ton particulier, prononçant des phrases à la fois occultes et familières, comme l’amulette portée sur le cœur ; la chaire où le pasteur, se balançant de côté et d’autre et maniant la Bible selon la vieille habitude, dispensait une doctrine incontestée ; même les pauses entre les strophes de l’hymne, tandis qu’on la lisait, et l’élévation intermittente des voix pendant le chant : tout cela avait été pour Marner la voie des influences divines, — c’était l’aliment et le refuge de ses émotions religieuses, le christianisme et le royaume de Dieu sur la terre. Un tisserand qui trouve des mots difficiles à comprendre dans son livre d’hymnes, ne sait rien des