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trer dans cet état d’esprit simple et naturel, où forme et le sentiment n’ont jamais été séparés par un acte de la réflexion. Nous sommes inévitablement portés à croire qu’un homme dans la position de Marner, aurait commencé par mettre en doute la validité d’un appel fait à la justice divine en jetant le sort. Mais, pour lui, c’eût été un effort de libre pensée tel qu’il n’en avait jamais connu ; et il lui eût fallu faire cet effort dans un moment où toute son énergie était absorbée par les angoisses de sa foi déçue. S’il y a un ange qui enregistre les chagrins des hommes aussi bien que leurs péchés, il sait combien sont nombreuses et intenses les peines qui naissent de fausses idées dont personne n’est coupable.

Marner s’en retourna chez lui. Pendant une journée entière, il resta assis, seul, étourdi par le désespoir, sans éprouver aucun désir d’aller trouver Sara pour essayer de lui faire croire à son innocence.

Le second jour, il chercha un refuge contre l’incrédulité qui l’engourdissait, en se mettant à son métier et en travaillant sans relâche, comme de coutume. Peu d’heures après, le pasteur et l’un des diacres venaient lui apporter un message de Sara, l’informant qu’elle considérait son engagement envers lui comme rompu. Silas reçut le message en silence. Détournant ensuite ses regards qu’il avait fixés sur les messagers, il se remit au travail à son métier. Au bout d’un peu plus d’un mois, Sara épousa