vers William Dane, et, d’une voix que l’agitation faisait trembler, il lui dit :
« La dernière fois que je me suis servi de mon couteau, je m’en souviens, c’est quand je l’ai pris pour vous couper une bande. Je ne me rappelle pas l’avoir remis dans ma poche. C’est vous qui avez volé l’argent, et tramé un complot pour m’imputer ce péché[1]. Mais vous pouvez prospérer malgré cela ; il n’y a pas de Dieu de justice gouvernant la terre avec équité ; il n’existe qu’un Dieu de mensonge, portant de faux témoignages contre l’innocent. »
Il y eut un frémissement général, à ce blasphème.
William dit avec humilité :
« Je laisse à nos frères le soin de juger si cela est la voix de Satan ou non. Je ne puis que prier pour vous, Silas. »
Le pauvre Marner sortit avec ce désespoir dans l’âme, — avec cet ébranlement de la confiance en Dieu et dans l’humanité, qui touche presque à la folie chez une nature aimante. Le cœur amèrement blessé, il se dit : « Elle aussi me rejettera. » Et il pensa que si Sara ne croyait pas le témoignage porté contre lui, la foi entière de cette jeune fille devait être bouleversée comme l’était la sienne. Pour des personnes accoutumées à raisonner sur les formes que leurs sentiments religieux ont revêtues, il est difficile d’en-
- ↑ Texte : to lay the sin at my door, pour mettre le péché à ma porte. Expression biblique. — Voy. Genèse ; IV, 7. (N. du Tr.)