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gens d’une humble condition, — plus heureuse, peut-être, que ceux qui sont élevés dans le luxe.

Cette fameuse bague qui piquait le prince[1], quand il oubliait ses devoirs pour s’adonner au plaisir, je me demande si elle le piquait vivement à son départ pour la chasse, ou bien si elle ne lui faisait alors qu’une légère piqûre, et ne le perçait au vif qu’après que la chasse était terminée depuis longtemps, et que l’espérance, repliant ses ailes, regardait en arrière et se changeait en regret ?

Quant à Godfrey Cass, ses joues et ses yeux étaient maintenant plus brillants que jamais. Il avait des desseins si arrêtés, que son caractère semblait être devenu ferme. Dunsey n’était pas reparu : les gens en avaient conclu qu’il s’était engagé comme volontaire, ou qu’il était passé à l’étranger, et personne ne se souciait de demander des renseignements précis à une famille honorable sur un sujet aussi délicat. Godfrey avait cessé de voir l’ombre de Dunsey en travers de son chemin ; et ce chemin le conduisait alors directement vers la réalisation de ses désirs de prédilection, — des désirs qu’il avait le plus longtemps chéris. Tout le monde disait que M. Godfrey avait pris la bonne voie, et il était assez facile de deviner comment les choses finiraient, car il se pas-

  1. Allusion à la bague donnée par une fée au prince Chéri. Cette bague devait le piquer toutes les fois qu’il commettrait une mauvaise action. — Voy. le Prince chéri, dans les Contes de Perrault. (N. du T.)