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fois qu’il l’avait ouverte, il ne neigeait plus, et les nuages se séparaient de place en place. Il resta longtemps debout à observer et à écouter. Il y avait alors réellement sur la route quelque chose qui s’avançait vers lui, seulement il ne distinguait rien. Le calme et la nappe de neige immense et sans traces semblaient resserrer sa solitude, et son désir inquiet touchait au frisson du désespoir. Il rentra de nouveau et mit la main droite sur le loquet de la porte pour la fermer. Il ne la ferma pas : il fut arrêté, comme cela lui était déjà arrivé depuis la disparition de son trésor, par la baguette invisible de la catalepsie. Il resta comme une image taillée[1], les yeux distendus, mais sans vision, tenant sa porte ouverte, impuissant à résister soit au bien, soit au mal, qui pouvait entrer dans sa maison.

Lorsque Marner revint à lui, il continua l’action suspendue et ferma sa porte, inconscient de la rupture dans la suite de ses idées, — inconscient de tout changement intervenu, si ce n’est que la lumière du jour s’était obscurcie et qu’il se sentait glacé et défaillant. Il s’imagina qu’il était resté trop longtemps sur la porte à regarder au dehors. Se tournant vers le foyer, où les deux bûches étaient tombées en se séparant et ne répandaient qu’une lueur rougeâtre et douteuse, il s’assit sur sa chaise au coin du feu. Comme il se baissait pour rapprocher les bûches, il

  1. Lévitique, XXVI, 1 ; et Deutéronome, V, 8. (N. du Tr.)