— Oui, mais voici ce qu’il y a là-dedans, Dowlas, » dit l’aubergiste, d’un ton de voix rempli de candeur et de tolérance : « Il y a des gens, suivant moi, qui ne peuvent pas voir de revenants, lors même que ceux-ci seraient plantés devant eux aussi visiblement que des piquets. Et il y a une raison à cela. Tenez, voilà ma femme, par exemple, elle ne sent rien, quand même elle aurait sous le nez le fromage le plus fort. Je n’ai jamais vu de revenant moi-même ; mais alors je me dis : « Très probablement, tu n’as pas l’odorat nécessaire. » C’est-à-dire que je mets le revenant à la place d’une odeur ou bien vice versa. Voilà pourquoi je suis pour les deux opinions. Comme je le dis, la vérité est entre elles. Si Dowlas devait aller se tenir pendant toute la nuit devant les écuries, et rapporter qu’il n’a pas vu la moindre trace du congé de Cliff, je prendrais son parti, et si quelque personne disait que, malgré cela, le congé de Cliff existe réellement, je prendrais aussi son parti, car l’odorat est ce qui me guide. »
L’argument analogique de l’aubergiste ne fut pas bien reçu par le maréchal, qui était un homme foncièrement opposé aux compromis.
« Bah ! bah ! » dit-il, avec une nouvelle irritation, en posant son verre, « qu’est-ce que l’odorat vient faire ici ? Un revenant a-t-il jamais poché l’œil à quelqu’un ? Voilà ce que je désirerais savoir. Si les revenants veulent que je croie en eux, qu’ils cessent d’aller se glisser furtivement dans les lieux obscurs