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dans le hall, sortirent avec empressement de la bibliothèque pour lui demander comment il se trouvait. Madame Davilow voulut savoir en détail tout ce qui s’était passé, où demeurait le forgeron, si elle pouvait lui envoyer un cadeau. Jusqu’alors Rex n’avait jamais trouvé la famille importune ; mais, en ce moment, où il aurait voulu voir Gwendolen seule à la maison, il les souhaitait toutes dehors.

— Où est Gwendolen ? dit-il enfin.

Madame Davilow envoya Alice voir si sa sœur voulait descendre, et ajouta :

— Je lui ai fait porter son déjeuner dans son lit, car elle avait besoin de repos.

Rex, sentant que sa patience était à bout, s’écria :

— Ma tante, il faut absolument que je parle à Gwendolen, je veux la voir seule.

— Eh bien, mon ami, entre dans le salon, je vais te l’envoyer, dit madame Davilow, laquelle avait bien remarqué qu’il aimait d’être avec sa cousine ; mais la chose lui paraissait toute naturelle, et elle était loin de présumer qu’il s’agît des « réalités de la vie » ; elle croyait qu’il s’agissait simplement des fêtes de Noël, qui allaient se terminer. Rex, tout au contraire, sentit que les réalités de sa vie allaient dépendre de cette entrevue. Il se promena de long en large dans le salon, et, pendant dix minutes, il laissa son imagination errer à son gré. Chose étrange ! il ne pensait qu’à ce qu’il dirait à son père pour bien le convaincre que l’engagement que Gwendolen et lui allaient prendre était la chose du monde la plus prudente. On voulait qu’il fût jurisconsulte ; eh bien, pourquoi ne s’élèverait-il pas aussi haut qu’Eldon[1] ?

  1. Eldon (John Scott, comte d’), vicomte d’Encombe, né en 1751 et mort en 1838, était le fils d’un simple marchand de charbon de Newcastle. D’avocat, il s’éleva par son talent jusqu’à la pairie, et fut lord chancelier de 1801 à 1827. C’était un tory exalté, adversaire de toute mesure libérale. (Note du trad.)