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— Je vous ferai remarquer, jeune homme, que vous n’avez point de cheval qui vous permette de jouer le rôle d’écuyer de votre cousine. Il faut y renoncer. Vous avez détérioré Primrose et c’est assez de dommage pour une vacance. Veuillez donc vous préparer à partir demain pour Southampton, où vous rejoindrez Stillfox, en attendant que vous partiez avec lui pour Oxford. Ce sera très bon pour vos contusions et vos études.

Le pauvre Rex, dont le cœur se gonflait, craignit de se conduire aussi peu virilement qu’une petite fille.

— J’espère que vous n’insisterez pas sur mon départ immédiat, monsieur.

— Te sens-tu trop malade ?

— Non… ce n’est pas cela… mais… — Ici Rex se mordit les lèvres, car, à sa grande vexation, ses larmes étaient près de couler. Il se remit cependant et dit avec plus de fermeté : — Il faut que j’aille à Offendene. Mais j’y puis aller ce soir encore.

— J’y vais moi-même et je te rapporterai des nouvelles de Gwendolen, si c’est là ce que tu veux.

Rex se tut. Il crut discerner dans les paroles de son père une intention fatale pour son bonheur ; que dis-je ? pour sa vie. Il connaissait la pénétration et la fermeté de son père.

— Monsieur, dit-il, je ne puis m’éloigner d’elle sans lui dire que je l’aime et sans savoir si elle m’aime.

M. Gascoigne se faisait des reproches intérieurs de n’avoir pas été plus circonspect, et, quoique peiné pour son fils, il résolut d’agir avec la prudence nécessaire en pareil cas. Il répondit donc avec calme :

— Mon cher garçon, tu es trop jeune pour prendre un parti décisif. C’est un enfantillage produit par l’oisiveté des quelques semaines que tu viens de passer ici ; il faut te remettre au travail et n’y plus songer. Mille raisons