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l’air de la liberté. Gwendolen paraissait ravie ; jamais Rex ne l’avait trouvée aussi charmante. Son beau visage, son long cou blanc, les rondeurs de ses joues et de son menton ressortaient sous la couleur sombre de son amazone. Impossible de voir une plus jolie femme, et Rex était de plus en plus convaincu que l’identité fondamentale du bien, du vrai et du beau, se manifestait dans l’objet de son amour.

Cette matinée de janvier était exquise. Pas de menace de mauvais temps dans le ciel gris et doux qui les éclairait ; les sentiers gazonnés, les haies émaillées de baies rouges d’où s’échappaient de petits gazouillements, l’écorce pourpre des ormes, le brun foncé des sillons, tout était enivrant. Les sabots des chevaux tintaient comme un carillon musical, accompagnant délicieusement les voix argentines des deux jeunes gens. L’équipement de Rex, qui était l’antipode du dandy, excitait l’enjouement de Gwendolen, et Rex jouissait des éclats de sa gaieté. La fraîcheur du matin s’accordait avec la fraîcheur de leur âge, et, à chaque son qui sortait de leurs clairs gosiers, on aurait dit le bouillonnement d’un élan de joie.

— Anna s’est mis en tête que vous voudriez suivre la chasse, dit Rex en cherchant un biais pour arriver au but qui le préoccupait.

— Vraiment ! s’écria Gwendolen en riant. Elle est bien clairvoyante.

— Est-ce votre intention ? demanda Rex, qui n’y croyait pas trop, puisque les parents s’y opposaient, mais qui se fiait à ses bonnes raisons.

— Je n’en sais rien. Je ne pourrai dire ce que je ferai que quand je serai arrivée. Les plus clairvoyantes ont souvent tort : elles ne prévoient que ce qui est vraisemblable. Eh bien, je hais tout ce qui est vraisemblable. C’est fastidieux. J’adore l’improbable.

— Ah ! vous me révélez un secret. Quand je saurai ce