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VII


L’orage qui devait éclater se préparait comme le nuage blanc qui se produit dans un ciel pur et qui contient la tempête. Anna avait très bien discerné les sentiments secrets de Rex, malgré son silence. Pour la première fois, elle ne dit pas à son père ce qu’elle avait dans l’esprit, et lui laissa ignorer ses doutes et ses anxiétés. Elle admirait sa cousine ; elle disait souvent et avec sincérité :

« Gwendolen est très bonne pour moi, » et se considérait comme son inférieure à certains égards ; mais elle la regardait aussi avec embarras, avec un mélange de crainte et de défiance. Son cœur battait douloureusement quand elle pensait que Gwendolen ne se souciait pas de Rex et ne répondrait jamais à son amour. Ne se croyait-elle pas une créature extraordinaire et ne répondait-elle pas souvent avec indifférence aux sentiments de tendresse que lui témoignait Anna ? Pauvre Rex ! Papa serait bien mécontent s’il apprenait la vérité ; car son fils était trop jeune pour être aussi amoureux, et elle, sa sœur, n’avait jamais pensé que pareille chose pût arriver. Quel mauvais cœur, cepen-