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bilité de physionomie. D’abord un peu contrarié et jaloux de la voir si familière avec Rex, il avait peu à peu repris confiance en se disant que cette intimité entre cousins excluait toute idée de passion sérieuse ; et il sentait que la manière dont elle le traitait, l’autoriserait à faire des ouvertures avant son départ de Pennicote, quoiqu’il se fût promis de ne dévoiler ses sentiments que quand sa position serait mieux assurée. Miss Gwendolen était certaine d’être adorée par ce jeune et irréprochable ecclésiastique, aux favoris pâles et au collet carré ; et, sans ressentir pour lui aucune inclination, elle ne s’opposait pas à se laisser adorer. Quant à Rex, qui aurait été peiné pour le pauvre Middleton s’il avait connu le fond de son âme, il était trop absorbé dans une première passion pour rien observer ; il n’avait pas besoin de regarder Gwendolen pour savoir si elle était dans la chambre ou sortie ; il le sentait. Au bout de quinze jours, il était tellement amoureux de sa cousine, qu’il trouvait déjà impossible de vivre loin d’elle. Le pauvre garçon ne voyait pas d’obstacles. Gwendolen devait répondre à son amour ; il en avait des preuves ; elle chantait ou jouait chaque fois qu’il en exprimait le désir ; elle était toujours satisfaite quand il l’accompagnait dans ses promenades à cheval, bien que les rosses de louage qu’il montait fussent souvent comiques ; elle se prêtait à toutes ses plaisanteries et savait apprécier Anna.

Un incident qui arriva dans le cours de leurs essais dramatiques s’imprima dans le cœur de Rex comme un témoignage de son excessive sensibilité. Après plusieurs répétitions, il fut résolu que l’on inviterait à Offendene une réunion d’élite, pour assister au spectacle dans lequel les acteurs feraient valoir leurs talents divers. Anna avait très agréablement surpris son monde par la manière intelligente avec laquelle elle s’acquitta de ses rôles ; rien n’était plus charmant et on n’aurait pas soupçonné tant de fine observation dans une si douce naïveté. M. Middleton aussi se conduisait