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qu’il n’est pas convenable que M. Middleton vienne étudier et répéter ici. On lui donnerait un rôle assorti à son talent, quoiqu’il soit aussi raide qu’un bâton. Demandez à votre père, ou je le ferai moi-même.

— Non, non ! pas avant que Rex ne soit arrivé. Il est si adroit ! Il jouera Napoléon regardant la mer. Il ressemble à Napoléon. Rex sait tout faire.

— Je ne crois pas tant que cela à votre Rex, ma chère Anna, dit Gwendolen en riant. Je suis sûre qu’il ressemble à ses aquarelles bleu et jaune, que vous avez dans votre chambre et que vous adorez.

— Vous verrez, répliqua Anna. Ce n’est pas que je puisse juger s’il est adroit, mais il a déjà obtenu une bourse, et papa dit qu’il réussira pour l’agrégation. De plus, il connaît tous les jeux. Il est plus adroit que M. Middleton, que chacun cependant, excepté vous, trouve si habile.

— Il l’est à peu près comme une lanterne sourde. En tout cas, c’est un vrai bâton. S’il avait à dire : « Que je meure si je ne l’aime pas ! » il prendrait le même ton que quand il dit : « Ici finit la deuxième leçon ».

— Oh ! Gwendolen ! s’écria Anna, choquée de ces observations malicieuses, c’est mal de parler ainsi de lui qui vous admire plus que personne. Maman a été très en colère l’autre jour contre Warham, qui lui disait que M. Middleton vous regardait avec les yeux d’un amoureux.

— Que puis-je y faire ? dit Gwendolen presque dédaigneusement. Que je meure si je l’aime !

— Vous avez raison, cela ne serait pas à désirer. Au surplus, il va bientôt partir. Mais je suis peinée quand je vous vois vous moquer de lui.

— Que me feriez-vous donc si je me moquais de Rex ? répliqua presque méchamment Gwendolen.

— Oh ! non, Gwendolen, ma chère, ne le faites pas ; cela me causerait trop de peine, dit Anna, les yeux pleins de