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— Elle n’est réellement pas aussi belle qu’elle le paraît, quand on a bien examiné ses traits, dit dans la soirée et confidentiellement madame Arrowpoint à madame Vulcany.

— Ils sont d’un style qui produit d’abord un grand effet, mais qui, ensuite, est moins agréable.

Gwendolen, qui n’entendit pas ces paroles et à laquelle, au contraire, on en dit de tout opposées, avait, sans s’en douter, offensé son hôtesse, qui, bien que n’étant ni vindicative ni méchante, avait cependant ses susceptibilités. Plusieurs conditions s’étaient rencontrées chez la dame de Quetcham, qui, pour les observateurs du voisinage, semblaient être en connexion les unes avec les autres. On disait qu’elle avait hérité d’une fortune gagnée, on ne savait trop comment, dans la Cité ; ce que corroborait sa figure commune, sa voix glapissante comme celle d’un perroquet et sa coiffure prétentieuse ; et, comme ces détails réunis lui faisaient un extérieur parfaitement ridicule, il était naturel, aux yeux de bien du monde, qu’elle eût des goûts et des tendances littéraires ; comme si les productions littéraires bonnes ou mauvaises ne s’accordaient pas avec les formes les plus diverses du physique masculin ou féminin.

Gwendolen avait de fortes propensions à trouver les autres absurdes et à s’en moquer ; mais elle était toujours favorablement disposée pour ceux qui pouvaient lui rendre la vie agréable ; c’est pourquoi elle voulut se concilier les bonnes grâces de madame Arrowpoint en lui témoignant plus d’intérêt et plus d’attention encore que ne le faisaient ses amis. Mais souvent une trop grande confiance en soi-même fait supposer chez les autres une sottise tout imaginaire. Gwendolen, malgré son adresse et son intention d’être aimable, ne put échapper à ce travers ; elle se disait que, par la raison même que madame Arrowpoint était ridicule, elle devait manquer de pénétration, et elle joua sa petite