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dans son berceau sous une courte-pointe écarlate : Adélaïde-Rebecca reluisait comme de l’ambre, et Jacob-Alexandre faisait le beau dans son costume de velours noir et ses bas rouges. Lorsque ces quatre pairs d’yeux noirs souhaitèrent la bienvenue à Deronda, il eut presque honte de l’éloignement arrogant que ces gens à l’air heureux lui avaient inspiré dans la journée. Rien ne pouvait être plus cordial que l’accueil qu’il reçut, et les deux dames hospitalières lui semblèrent gagner beaucoup en dignité à les voir dans le foyer domestique. Il fut étonné du vieil ameublement : le bureau de chêne et la haute table contre le mur avaient assurément été acquis par hasard, par mesure d’économie, et non pour satisfaire le goût de la famille pour les meubles anciens. Un grand plat de faïence bleu et jaune, flanqué de deux gobelets d’argent, était placé sur la table et devant eux se prélassait un gros volume en vélin foncé. Au coin le plus éloigné de la salle, une porte entr’ouverte donnait sur une chambre intérieure où il y avait aussi de la lumière.

Deronda remarqua tous ces détails en jetant des regards furtifs autour de lui, pendant que la sollicitude de Jacob l’interrogeait au sujet du couteau. Daniel s’était donné la peine d’en acheter un avec le crochet et le manche blanc exigés, et, sur la demande du gamin, il lui dit :

— Est-ce là ce que tu veux, Jacob ?

L’objet en question fut soumis à un examen sévère ; il ouvrit les lames et le crochet et sortit de sa poche le couteau avec tire-bouchon pour en faire la comparaison.

— Pourquoi préfères-tu un crochet à un tire-bouchon ? demanda Deronda.

— Parce qu’avec un crochet je puis tout saisir, tandis qu’un tire-bouchon ne peut servir que pour les bouchons. Mais cela vaut mieux pour vous, puisque vous les aimez.

— Alors tu consens à l’échange ? dit Deronda en remarquant que la grand’mère écoutait avec ravissement.