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graduellement altéré les contours, de ne rien voir qui pût dissiper ses craintes. De même qu’il était concevable que cet Ezra, élevé pour le commerce, ressemblât à son garnement de père en tout, sauf en connaissances et en talents, de même il était possible que cette mère eût une fille aimable et pure dont le type et l’expression ressemblassent à Mirah. Les sourcils avaient une similitude de lignes vexatoire, mais la bonne humeur du regard avait persisté et se formula d’une façon maternelle, quand, de son ton guttural et doux, elle dit à Daniel :

— Qu’y a-t-il pour votre service, monsieur ?

— Je voudrais voir ces agrafes d’argent qui sont à la fenêtre, répondit-il ; les plus grandes, s’il vous plaît, dans ce coin, ici.

De la place où se tenait la mère, il n’était pas facile de les atteindre ; ce que voyant le fils, il s’écria :

— Je vais les prendre, mère.

Il y courut et les tendant à Deronda avec un sourire :

— Ma mère est trop fière, dit-il, elle veut tout faire elle-même ; c’est pourquoi je l’ai appelée pour vous servir, monsieur. Quand il me vient un client particulier, un gentleman, je n’ose appeler qu’elle ; mais je ne puis la laisser se faire du mal en étendant les bras.

M. Cohen s’arrêta pour céder le champ à sa mère, qui fit entendre un petit rire guttural en regardant Deronda, auquel elle semblait dire : « Ce garçon plaisante toujours, mais vous voyez que c’est le meilleur fils du monde. » Évidemment le fils était heureux de lui faire plaisir, quoiqu’il désirât s’excuser auprès de ce chaland distingué de ne pas lui accorder l’avantage de son attention exclusive.

Deronda commença par examiner les agrafes comme s’il avait plusieurs remarques à faire avant de prendre une décision.