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Il était fatigué de se promener dans les rues, et il s’arrêtait pour héler un cab qu’il voyait venir de loin, quand son attention fut attirée par de jolies agrafes très anciennes en argent repoussé, étalées à la devanture d’une boutique. Sa première pensée fut que lady Mallinger, qui avait un goût strictement protestant pour de semblables dépouilles catholiques, aimerait probablement d’avoir un bracelet fait avec ces agrafes de missel ; il examina alors tout l’étalage et vit que cette boutique appartenait à un de ces prêteurs sur gages, qui donnent du plomb pour de l’or, qui achètent les vieilles dentelles et toute sorte de bric-à-brac. Sur un placard cloué dans un coin, on avait tracé ces mois : Échange et réparation de montres et de bijoux. Mais il avait été remarqué de l’intérieur, et aussitôt un homme se montra sur la porte, qui le regarda et lui dit d’un ton cordial : « Bonjour, monsieur ! » Un instant suffit à Deronda pour discerner que ce visage, incontestablement juif, appartenait à un homme d’environ trente ans, et, reculant devant le talent de persuasion du marchand qui allait, selon toute probabilité, se faire jour, il lui rendit son bonjour, passa de l’autre côté de la rue et fit signe au cocher du cab de s’arrêter. De là, il vit que l’enseigne placée au-dessus de la boutique portait le nom de : Ezra Cohen !

Il pouvait y avoir des centaines d’Ezra Cohen sur des enseignes, mais Deronda ne les avait pas vus. Peut-être cet homme qui avait flairé en lui un client, était-il Ezra lui-même, car son âge pouvait être celui du frère de Mirah, qui était déjà grand quand elle était toute jeune : cependant, il s’efforça de se convaincre qu’il n’y avait pas de plus légère présomption que cet Ezra fût le frère de Mirah ; et ensuite, en admettant qu’il le fût et que sa mère fût morte, ce n’était pas un devoir pour lui, Deronda, de faire part de sa découverte à la jeune fille. Ce qui