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— Je vous comprends, fit Deronda. Mais il n’y a réellement pas de séparation aussi tranchée que le disait tout à l’heure madame Meyrick. Notre religion est avant tout une religion hébraïque ; et, puisque les juifs sont des hommes, il faut que leurs sentiments religieux soient communs avec ceux des autres hommes,… absolument comme leur poésie, qui est, en grande partie commune avec la poésie des autres nations. Il faut bien s’attendre à ce qu’un juif sente les formes de la religion de son peuple plus fortement que celle d’une autre race, et pourtant, — Deronda hésita à son tour, — il n’en est peut-être pas toujours ainsi.

— Hélas, non ! dit Mirah tristement. J’ai vu cela. Je les ai vus s’en moquer. N’est-ce pas comme si l’on se moquait de ses parents, comme si l’on jouissait de leur honte ?

— Il y a des esprits qui se révoltent contre les choses dans lesquelles ils ont été élevés et qui aiment l’opposition ; ils voient les défauts de ce qui est le plus près d’eux, fit observer Deronda en manière d’excuse.

— Mais vous n’êtes pas comme cela, reprit Mirah en le regardant avec une fixité inconsciente.

— Non, je ne crois pas ; mais vous savez que je n’ai pas été élevé comme un juif.

— Ah ! je l’oublie toujours ! s’écria-t-elle avec un accent désappointé et en rougissant légèrement.

Deronda, lui aussi, se sentit embarrassé, et il y eut une pause gênante à laquelle il mit fin en disant avec un peu de malice :

— Quelque chemin que nous suivions, nous aurons toujours besoin de tolérance les uns envers les autres ; car, si nous allons en opposition à notre enseignement, il faudra finir en différence, ce qui est la même chose.

— Certainement ; nous irions toujours en zigzags, dit madame Meyrick. Je crois qu’il faut être un esprit faible pour remplacer sa croyance par une règle contraire. Cepen-